Une fable de la France d’aujourd’hui.
France 2016 Documentaire 95mn
Images, montage et commentaires : Olivier Azam Sons directs : Laure Guillot
Musiques originales : Vincent Ferrand et Franck Haderer Chansons : Maax
Production/Distribution : Les Mutins de Pangée
C’est l’histoire invraisemblable d’une farce juridique qui aura inquiété jusqu’à l’Elysée et fait débouler l’élite de la police antiterroriste dans un petit village de l’Hérault où une bande de villageois aux gabarits plutôt Obélix qu’Astérix résistent. Ces drôles de zouaves ont très bien compris que la démocratie ne s’use que si l’on ne s’en sert pas…
« Dès que la lutte commence, c’est une victoire » Daniel Mermet
Début 2009. Des balles de 9 mm et des lettres de menaces sont envoyées au président de la République, Nicolas Sarkozy.
Pierrot, Tintin, le Suisse et leurs compères, dont le QG est un bureau de tabac nommé La Cigale à Saint-Pons-de-Thomières (Hérault), vont être accusés d’être le corbeau et poursuivis par tous les poulets antiterroristes de France.
Mais pourquoi eux ?
Environ mille fonctionnaires ont été mobilisés sur ce dossier pendant 6 mois. Le jour J, cent cinquante policiers ont débarqué à Saint-Pons-de-Thomières. Des mois de traques, d’écoutes téléphoniques, deux vagues de perquisitions, 62 heures de garde à vue pour s’apercevoir que ce n’était pas eux.
Entretien avec Olivier Azam :
Quand on parle de terrorisme, d’ultragauche, on s’attend à voir des jeunes casseurs à capuches... dans votre film, on se trouve face à des personnages qui sont plus proches de la retraite...
Quand ils ont été arrêtés, quelqu’un s’est même écrié : « Putain, ils ont raflé la maison de retraite ! ». C’est l’insurrection (du 3ème âge) qui vient !
La cigale est-elle un « foyer de subversion » comme l’affirme leur principal adversaire, le maire ?
C’est le lieu où ils se réunissent entre copains, boivent des coups, refont le monde, préparent les articles pour « La Commune », organisent tout ce qui s’organise. Tout le monde y passe pour acheter des clopes, des journaux, des bonbons, gratter des millionnaires. On s’y engueule, on se vanne, mais on y trouve aussi un bol de soupe, un peu de réconfort, et le buraliste se transforme volontiers en écrivain public et assistant social attentionné quand il le faut. Avec le recul, c’est cette solidarité au quotidien qui m’a le plus impressionné.
C’est donc presque un service public ?
Dans le film, nous montrons un peu d’une France quasiment invisible dans les médias. Ce n’est ni une grande ville, ni une cité de banlieue pas plus qu’une campagne paysanne. Comme le dit l’un des personnages : « ce n’est pas parce qu’on est dans des petits villages que c’est folklorique. » En France, l’isolement des précaires en milieu rural est redoutable L’habitat est dispersé et loin de tout, le chômage est important et les services publics et sociaux tendent à disparaître. Cette misère est terrible, terrible parce qu’elle est bien cachée même dans des petits villages où tout le monde se connaît. De cette souffrance et cette frustration peut naître le rejet des élites politiques, des médias traditionnels et elles peuvent provoquer des surprises électorales qui échappent à la perspicacité des sondeurs.
Craignez-vous que prendre le parti d’en rire diminue la gravité de ce qui leur est arrivé ?
... Il n’était pas question pour eux de pleurnicher sur leur sort et cette attitude me convenait parfaitement… Au-delà de la comédie humaine, ce qui nous a vraiment séduits dans cette façon de lutter localement, c’était de constater que des gens très différents, pas d’accord sur tout, arrivaient à créer spontanément une ambiance chaleureuse. Parce que c’est ça la clef, pour agir, pour changer le monde, il faut que ça soit joyeux parce que si c’est chiant, personne n’a envie d’y aller et eux, ils sont joyeux !
Les Mutins de Pangée :
C’est une coopérative audiovisuelle et cinématographique, de production, d’édition, de distribution et une plateforme Vod indépendante.
Depuis plus d’une décennie maintenant, que les lendemains chantent ou pas, les Mutins de Pangée défendent un cinéma engagé de Kaboul à Saint-Pons-de-Thomières, en passant par Kinshasa, Boston, Alger et même dans des pays qui n’existent plus qu’au cinéma... Mais aussi une vision poétique du monde, l’envie d’en rire (parfois) et de jeter des pavés dans la mare (souvent).
Le film vu par « Les Echos » :
Le film, mêlant interviews et images d’archives, brosse le portrait d’une petite communauté de vieux « emmerdeurs » qui se revendiquent comme tels, à la fois anars, écolos et assistants sociaux (l’un préside la maison de retraite, l’autre le Secours Populaire, le troisième est membre d’Attac) dont la fibre militante, indestructible semble-t-il, a tout d’un joyeux pied-de- nez à l’indifférence et à la déprime ambiantes. Qu’il s’agisse de lutter contre un projet local de « centre de stockage de déchets ultimes » ou de dénoncer l’utilisation d’un dangereux pesticide, la cyperméthrine, pour traiter le bois destiné à l’export au détriment de la survie des champignons, des abeilles et des poissons. Ou même de tenter leur chance aux municipales. Battus de peu, ils ne désarment pas pour autant…
Un documentaire engagé où de joyeux lurons aux cheveux blancs, « lanceurs d’alerte » dans une France rurale souvent mal connue, prouvent que l’on peut garder l’envie de militer à tout âge, et que l’enthousiasme et l’humour sont parfois tout aussi efficaces que les grands discours pour arriver à ses fins…