Premier parachutage sur le terrain accidenté de la mémoire, en présence de Daniel Mermet
Pour la date anniversaire de sa création, Mémoire à Vif propose la projection en avant-première du film de Jacques Panijel : Octobre à Paris , un film inédit sur la manifestation du 17 octobre 1961
-Synopsis : « Octobre à Paris » est le seul documentaire consacré à l’époque aux exactions, tortures et noyades dans la Seine pendant et après la manifestation pacifique du 17 octobre 1961, organisée à Paris, à l’appel de la Fédération française du FLN pour protester contre un couvre-feu discriminatoire et réclamer l’indépendance de l’Algérie. Le film montre une partie de la manifestation et donne la parole à des rescapés qui relatent les tortures qu’ils ont subies dans les commissariats parisiens. Les témoignages des victimes et les photos d’Elie Kagan constituent un réquisitoire accablant.
– Histoire d’un film interdit puis oublié pendant 50 ans :
Le film est interdit jusqu’en 1973 mais présenté clandestinement dans les réseaux militants. La censure est levée après la grève de la faim de 31 jours du cinéaste René Vautier réclamant la suppression de la censure politique en France.
Mais Jacques Panijel s’oppose à sa diffusion tant qu’une « préface filmée » posant le contexte de l’époque ne sera pas ajoutée, sans réussir à trouver le financement pour ce projet.
La situation s’est débloquée après son décès en 2010 grâce à la société de distribution Les Films de l’Atalante et à Mehdi Lallaoui, écrivain, réalisateur et Président de l’association Au Nom de la Mémoire qui lutte, depuis plus de 20 ans pour la reconnaissance de ce « crime d’Etat, perpétré par Maurice Papon avec le consentement du gouvernement de l’époque ». Il a lui-même consacré un film à la répression de la manifestation du 17 octobre 1961 Le silence du fleuve et c’est lui qui a réalisé l’introduction du film, comme le souhaitait Jacques Panijel.
– Jacques Panijel vu par René Vautier dans « Caméra citoyenne » (Editions Apogée 1998) :
Jacques Panijel est, de prime abord, à classer dans la catégorie des bons vivants : rond d’aspect, avenant... et sa vie est absolument à l’inverse de son apparence. Une vie droite, tendue, engagée au moment où cela devenait nécessaire, et dans le sens où c’était nécessaire. Il fut de l’une des toutes petites équipes à l’origine en France des premières actions de résistance : à peine sorti de l’adolescence, il se lançait dans la lutte contre la collaboration, contre l’occupant, à corps perdu, mais toute raison gardée. Lucidement. Missions d’organisation dans le Bordelais, le Massif Central, installation des premiers effectifs de maquis au Plateau des Glières, puis mise en place à la Libération du « premier bureau », et la démission pour rester fidèle à ses idéaux que l’on trahissait, et un nouvel engagement : la recherche scientifique. Arrive la guerre d’Algérie. « Il ne s’agissait pas d’une guerre d’Algérie, mais d’une guerre contre les Algériens », précise -t’il. La nature même de cette guerre le révolte. Il participe, avec Pierre Vidal-Naquet, Robert Barrat et quelques autres, à la création et à la vie de « Vérité-Liberté ». La lutte contre la torture et le mensonge le propulse secrétaire général du Comité Maurice-Audin. En 1961-1962, c’est pour ce même comité qu’il réalise « Octobre à Paris ».
-Un avis sur le film paru dans la revue « Image et son » en 1962 (extraits) :
...Non pas un film de souvenir, mais de combat, réalisé au présent, tourné à l’initiative d’organisations politiques militantes, par un réalisateur militant, avec la collaboration de techniciens militants, et en prenant les risques qu’il fallait prendre...
L’importance d’ « Octobre à Paris » est exemplaire ; elle n’est point seulement politique ou esthétique. Elle est aussi culturelle, au sens le plus large du terme, si l’on admet que le cinéma est le plus grand moyen de culture de notre temps...
Pour la première fois en France, et l’une des rares fois dans le monde, un film de long métrage est fait en toute liberté, par le seul soutien financier des militants d’organisations démocratiques, par le seul travail d’hommes de cinéma pour qui l’art ne se sépare pas des convictions...
La projection du film de Jacques Panijel sera précédée de la présentation :
– de la vidéo Guerre et bâillon réalisée en 2011 par les élèves du Lycée Professionnel Marcel Pagnol de Limoges sur les événements de La Villedieu en 1956
– du reportage vidéo réalisé par Peuple et Culture 19 : Mémoire à Vif dix ans après