L’utilité des utopies se mesure aux résistance qu’elles rencontrent.
La Cecilia , rejetant tout romanesque, toute psychologie, prend des allures de chorale, de récitation murmurée ou carrément chantée, et les chants anarchistes italiens scandent la narration.
L’originalité principale du film de Comolli vient de sa technique de tournage, de l’incessante complicité entre le metteur en scène et son opérateur, Yann Le Masson qui tient presque constamment la caméra à la main, recrée une fluidité narrative qui n’est pas sans rappeler à deux ou trois moments, mais dans un tout autre contexte, les incessants travellings de Miklos Jancso. Cette caméra familière, enrichie par le son synchrone (inconnu en Italie), mise au service de comédiens qui rompent totalement avec la tradition du « grand » cinéma italien de Fellini et de Dino Risi, cette caméra donne son style au film, légitime le décousu du récit, le côté récitatif de la narration. Si on le connaît surtout par les « Cahiers du cinéma », Jean-Louis Comolli est critique de jazz à ses heures, coauteur du livre « Free Jazz et Black Power » ; il retrouve naturellement ici une démarche musicale et « casse » les méthodes de tournage comme il « casse » le récit, au risque de désorienter un moment le spectateur avide d’identification.
La révolte de La Cecilia se reproduit à tous les niveaux, et d’abord à celui de la technique.
Louis Marcorelles Le Monde (février 1976)
Tarif unique : 4,5 euros
Une chanson du film : Amour rebelle
A ton amour jeune fille
J’en ai préféré un autre
Mon amante est une idée
A qui j’ai dédié bras et coeur.
Mon coeur abhorre et défie
Les puissants de cette terre
Et mon bras fait la guerre
Au lâche, à l’oppresseur
Comme nous aimons l’égalité
On nous appelle malfaiteurs
Mais nous sommes des travailleurs
Qui ne voulons pas de patrons
Des rebelles nous brandissons
Les drapeaux ensanglantés
Nous abattrons toutes les barrières
Pour la vraie liberté
Si tu veux chère enfant
Ici-bas nous combattrons
Et le jour où nous vaincrons
Je te donnerai bras et coeur
Paroles de Pietro Gori, musique d’auteur inconnu