9 octobre Cinéma Le Lido 20h30
Harlan County USA
Article mis en ligne le 29 septembre 2008
dernière modification le 4 octobre 2008

Un film de Barbara KOPPLE

Etats-Unis 1977 2h Documentaire

Ce film superbe, d’une facture formelle inédite, rend compte de la longue grève des mineurs du Kentucky qui dura 13 mois (1973/74). Il n’a pas du tout le côté généralement un peu brouillon des films militants, où l’imperfection technique était presque de mise, retournée en sceau d’authenticité apposé à la cause. Il est d’ailleurs difficile de classer le film dans un genre : film politique ? documentaire ? - encore bien moins reportage, le film étant l’envers absolu du journalisme. Barbara Kopple a mené une enquête à tous les niveaux, le film résultant du tressage subtil de ce matériau impur : le travail des mineurs, des interviews, des films d’archives sur les grèves passées, reportages télévisés sur les élections des leaders de l’UMWA* ; et le filmage de séquences de la grève, en situation, dont elle rend compte directement, avec un effet d’instantané, de présence, très proche du suspens des films policiers. Le montage de tous ces éléments ne suit pas les règles d’une temporalité classique, chronologique. Sa modernité est lisible dans un va-et-vient constant entre passé et présent...

Harlan County USA n’est pas un film sur la « mémoire ouvrière » : les grévistes, leurs épouses, pour la plupart enfants et petits-enfants de mineurs, portent en eux davantage qu’une mémoire : un enseignement...

La musique country (les chants des mineurs) ponctue tout le film... Le plus beau de tous les chants est celui inventé par les femmes du piquet de grève, bâton à la main (pour certaines, armes à feu dissimulées), alors que l’ensemble des grévistes armés d’une façon ou d’une autre se préparent à affronter la bande des porte-flingues. Le chant des femmes s’amplifie-le country devient cœur antique : nous ne bougerons pas/comme l’arbre attenant à la rivière/nous ne bougerons pas..., leitmotiv inlassablement tenu, tandis qu’ont lieu les discussions avec un shérif, jusqu’à ce que les briseurs de grève lâchent prise, sans qu’aucun coup de feu ne retentisse. Le country est devenu déclaration politique -poème de surcroît...

Elisabeth Boyer L’art du cinéma no32/33/34

*Le puissant syndicat : United Mine Workers of America

BARBARA KOPPLE

Récompensée par deux oscars, dont le premier à vingt-quatre ans, Barbara Kopple est parmi les plus grands documentaristes des Etats-Unis, où les femmes cinéastes sont rares. Dans la lignée de Lionel Rogosin, Richard Leacock ou D. A. Pennebaker (elle en fut l’assistante à la caméra), Barbara Kopple n’a cessé de filmer les hommes de son pays en lutte : avec « Harlan County USA » (oscar 1976) sur la répression sanglante de grèves de mineurs dans le Kentucky, avec « American Dream » (oscar 1991) où elle montre le coût humain du déclin économique des régions industrielles, en participant à « Winter Soldiers », film collectif sur la guerre du Vietnam.

Michèle Levieux l’Humanité


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