En partenariat avec Peuple et Culture Corrèze
Présentation/Débat : Federico Rossin
Prix Jean Vigo 1976, L’affiche rouge est le film le plus célèbre de Frank Cassenti. Film sur l’Histoire et la mémoire, il fait revivre le réseau Manouchian, composé de résistants étrangers. Vingt-quatre partisans du groupe (vingt-trois hommes et une femme), dont le chef, Missak Manouchian, Juif communiste arménien, sont arrêtés en novembre 1941 et après une parodie de procès, vingt-deux sont fusillés au Mont Valérien le 21 février 1944. Joseph Epstein sera fusillé le 11 avril et Olga Bancic, sera, elle, décapitée le 10 mai en Allemagne. Mais, avant leur exécution, les nazis réalisent une affiche rouge, qui sera placardée sur les murs de Paris et qui montre la photo d’une dizaine d’entre eux, avec, pour chacun, leurs « exploits de terroristes », de manière à effrayer la population.
C’est le premier film à parler du rôle des immigrés dans la résistance française mais il n’est pas dans la reconstitution historique habituelle. L’intrigue se construit autour d’une troupe de comédiens qui se propose de créer une représentation à la mémoire du groupe Manouchian. Jouant constamment sur l’espace et le temps, mêlant le réel et la fiction, alternant les scènes de théâtre filmées, les témoignages et la reconstitution cinématographique,
le film devient une réflexion sur le passé à partir du présent. Et pose les questions essentielles : comment parler de l’Histoire ? Comment se l’approprier ? Comment sortir le spectateur de sa confortable position de passivité ? Comment mêler réflexion et émotion, sans tomber dans le larmoyant ? Et c’est à une fête que nous convie Cassenti. Où l’on boit, où l’on danse, où l’on chante. Fête de la différence. Où explosent la joie et l’amour de la vie. Où les langues les plus diverses se mêlent. Hongrois, Polonais, Italiens, Roumains, Basques. Tous unis dans le même élan de fraternité. Le plus bel hommage rendu à cette lutte menée par ces résistants immigrés, « amoureux de vivre à en mourir », célébrés par Aragon dont le poème fut mis en musique et chanté par Léo Ferré.
Le 21 février prochain, Missak Manouchian et Mélinée, son épouse, entreront au Panthéon, mais au-delà des discours officiels, le film de Cassenti restera le plus bel hommage rendu à cette lutte menée par ces résistants immigrés, « amoureux de vivre à en mourir », célébrés par Aragon dont le poème fut mis en musique et chanté par Léo Ferré, chanson interdite à la radio et à la télévision jusqu’en 1980.
Frank Cassenti
Etudiant, il fait la rencontre de Chris Marker qui pratique le cinéma comme un moyen de lutte et d’expérimentation. L’apprenti-cinéaste réalise un premier ciné-tract sur une grève de mineurs dans le Nord et rencontre sur le carreau de la mine Joris Ivens et Marceline Loridan. En 1969, il réalise son premier court métrage, Flash-Parc, plus ou moins influencé par Jean-Luc Godard. En 1973 sort en salles son premier long métrage, Salut Voleurs, avec Jacques Higelin, Claude Melki et László Szabó qui jouera dans tous ses films suivants. Une période militante durant laquelle il travaille avec le cinéaste et producteur Pascal Aubier au sein des Films de la Commune.
S’ouvrant à une réflexion sur l’Histoire et sur ses modes de représentation, Frank Cassenti adapte à l’écran, après L’Affiche Rouge, La Chanson de Roland. Peu de temps après, il rencontre Pierre Goldman, qui vient d’être innocenté du crime dont on l’accuse après avoir passé sept ans en prison. Ils travaillent à l’adaptation de Souvenirs obscurs d’un juif polonais né en France, livre autobiographique que Goldman a écrit en prison. Mais lorsque celui-ci est assassiné en 1979, Frank Cassenti abandonne le projet. Il réalisera finalement un documentaire, Aïnama « Salsa pour Goldman », à la suite du concert donné par ses amis musiciens antillais et latino-américains au Zénith de Paris en 1980.
Suivra une galerie de portraits sur des grandes figures du jazz : Miles Davis, Michel Petrucciani, Archie Shepp, Wynton Marsalis, Billie Holiday...
Cinéaste, jazzman, documentariste… Frank Cassenti nourrissait une curiosité insatiable pour le monde qui l’entourait. Celui qui considérait la culture comme « dernier rempart contre l’obscurantisme » écrivait encore récemment : « Je crois pouvoir dire en tant qu’homme de culture que tout ce que j’entreprends n’est qu’un moyen d’aller à la rencontre de l’autre, pour échanger et comprendre le monde dans lequel nous vivons et le transformer pour mieux vivre ensemble. »