Avec : Forest Whitaker, Isaac de Bankolé, John Tormey, Camille Winbush, RZA...
1999 Reprise en version restaurée : 14 décembre 2022 1h56mn VOSTF
Synopsis : Ghost Dog vit au-dessus du monde, au milieu d’une volée d’oiseaux, dans une cabane sur le toit d’un immeuble abandonné. Guidé par les mots d’un ancien texte samouraï, Ghost Dog est un tueur professionnel qui se fond dans la nuit et se glisse dans la ville sans qu’on le remarque. Quand son code moral est trahi par le dysfonctionnement d’une famille mafieuse qui l’emploie à l’occasion, il réagit strictement selon la Voie du Samouraï.
Critique : « Ghost Dog est un poème gangsta rap au croisement des récupérations de la culture noire américaine, mélangeant Mafia italienne, philosophie orientale, kung-fu, hip-hop et jazz, le film allant jusqu’à s’inventer un marchand de glaces ne parlant que français ! Jim Jarmusch conçoit ses films comme des accompagnements aux musiques qui lui sont nécessaires pour vivre. La bande-son en l’occurrence est signée par le rappeur RZA (du Wu Tang Clan) et semble émaner des états d’âme d’un tueur à gages très spécial, joué par un acteur exceptionnel : Forest Whitaker, qui habite le film de sa densité souple et sa mélancolie lucide. Sorte de sage autodidacte, moine solitaire dans la jungle amorphe d’une zone urbaine quelconque, Ghost Dog, chien errant, animal fantomatique, ranime aussi bien la poésie de Robin des Bois que de Fantômas, la guérilla féline des Indiens que le sang-froid hypercodifié des samouraïs. Oiseleur vivant sur un toit entouré de ses pigeons voyageurs, Ghost Dog a embrassé la Voie du samouraï pour s’acquitter de sa dette à l’égard d’un rital qui lui a sauvé la mise un jour de malchance et dont il s’estimera le vassal fidèle jusqu’à son dernier souffle. » Isabelle POTEL Libération 14 novembre 2002
« Les gens qui font des films aujourd’hui pensent trop souvent aux attentes des spectateurs. Ne leur donnons pas ce qu’ils attendent, surprenons-les au contraire. Célébrons l’artifice du cinéma » Jim Jarmusch
« Entre la référence aux codes du Japon ancien popularisés par le cinéma et la déliquescence (cf The Sopranos, la série télé) de cette Mafia italienne qui a tenu si longtemps le haut du pavé et des écrans américains, Jarmusch déploie la mosaïque vivace d’une survie black encapuchonnée qui s’organise lentement mais sûrement. Si son regard est si différent de celui de Tarantino (Jackie Brown), c’est qu’il ne s’agit pas de blaxploitation, ni seulement d’empathie pour l’altérité noire, telle qu’exprimée en France par Claire Denis. L’intuition du film se niche plutôt dans l’idée qu’à force d’être au ban de tout, les Noirs (Afrique comprise) pourraient bien être le terreau d’où viendra un peu de salut, un début de résistance inventive. Le polar ne jaillit ici que comme prétexte, sous forme de citations aussi tendres qu’ironiques. Le cœur du film, lui, se déploie dans la tentative en apparence anecdotique de Ghost Dog de transmettre un savoir pour créer une aristocratie nouvelle, une internationale black prête à lever la tête. Pour suggérer cette rocambolesque rupture épistémologique, une fillette avide de lectures et un marchand de glaces bavard suffisent à Jarmusch. Le visage triste et diablement attentif de Forest Whitaker fait le reste, visage à l’ambivalence extrême (moitié victime, moitié justicier), visage d’un mutant magnifique. » Les Inrockuptibles