Présentation du film de Jean-Michel Carré
France – Festival de Cannes 1995 - 100 mn
Grand Prix Festival d’Amiens 1995 Prix Coup de cœur SACD
Avec Denis Lavant, Dominique Frot , Claude Sigala…et les « jeunes » du Coral
Autour du Coral, le réalisateur place quelques comédiens dont Denis Lavant, dans le monde étrange et déroutant des pensionnaires du Coral, jeunes mis à l’écart de la société, qui ont été partie prenante du film, sous tous ses aspects, scénario, assistance technique…en plus d’interpréter leurs propres rôles.
L’idée originale vient de Claude Sigala (l’association « Lieu de vie, le Coral » est coproductrice du film à hauteur de 10% du budget global). Pour les vingt ans du Coral, le fondateur contacte en 1992 Jean-Michel Carré afin de lui présenter un scénario qu’il a rédigé sur des “personnages“ du Coral. Le titre du film appartient au livre manifeste que Claude Sigala a publié par sa propre maison d’édition (les éditions du Coral) en 1979
Le Coral un lieu historique
Claude Sigala rencontre Fernand Deligny , Félix Guattari, Roger Gentis et Maud Mannoni. Il décide de fonder, avec Gilbert Mignacca et Marie Sigala, un « lieu de vie » à Aimargues, "Lieux de Vie du Coral" dans le Gard en 1975. Éducateur spécialisé en milieu hospitalier, Claude Sigala avait constaté que les enfants dont il s’occupait étaient des êtres déstructurés à qui les lieux institutionnels n’offraient qu’une vie morcelée. En créant le Coral, il n’était plus question d’assurer des heures de présence, mais de vivre les uns avec les autres dans un lieu autogéré, sans blouses blanches, sans personnel de service et sans horaires artificiels. On y accueille des personnes handicapées adultes ayant des problèmes mentaux, des jeunes en difficulté sociale, des adultes psychiatrisés, des personnes exclues. Cette hétérogénéité est l’un des fondements du fonctionnement adopté par le Coral. Il n’est pas question d’être ni de devenir un lieu spécialisé. La thérapeutique est à la fois simple et difficile : il s’agit de permettre à ces personnes de retrouver le plaisir de vivre, d’aimer, et d’agir, la nature jouant un rôle important dans cette redécouverte du monde extérieur.
« Au Coral, on dit oui à la vie, non à la mort. Au Coral, on dit oui au soleil, non au désert. Au Coral, on dit oui à la caresse, non aux coups. Au Coral, on dit oui à l’amour, non à la haine. »
Denis Lavant
« Saltimbanque. Artisan. Histrion » : ainsi se définit Denis Lavant, un des comédiens les plus singuliers du théâtre et du cinéma. Pas étonnant de le retrouver auprès des pensionnaires du Coral, lui qui avoue : « Le hors-norme de la vie m’a toujours séduit. ». Pas étonnant non plus de le savoir en phase avec Jean Genet et ses enfants criminels à qui le poète demandait « de ne rougir jamais de ce qu’ils firent, de conserver en eux intacte la révolte qui les a faits si beaux… »
Le point de vue de Jean-Michel Carré
J’ai passé du temps au Coral, j’ai beaucoup discuté avec Sigala et je lui ai dit que je ne voyais qu’une seule solution…Si je faisais un documentaire avec les personnes autistes et psychotiques du Coral, je ne serais jamais sûr de ne pas leur voler quelque chose. Je voulais être respectueux de ce qu’ils sont et leur donner conscience de ce que je faisais. Telles étaient les conditions d’un réel échange, puis, du film. Je devais être à l’aise et honnête avec eux. J’ai donc eu l’idée de faire une sorte de fiction. J’utilise cette expression au regard du temps passé avec les jeunes du Coral, pour discuter de chacun des personnages. Le scénario s’est élaboré à partir de leurs histoires. J’y ai mêlé le thème de la réinsertion…
J’essaie toujours de faire des films de vies. C’est là l’une des spécificités du documentaire. Il permet de donner la parole à des personnes qui ne l’ont jamais et dont on détourne le regard : les personnes sortant de prison, les prostituées, les « fous ». Le cinéma, qui autorise ce travail d’engagement, de combat, de démocratie, contribue à rendre la société plus humaine. Les films nous donnent à comprendre ceux que nous méprisons ou que nous essayons d’éviter. Nous perdons beaucoup à ne pas les écouter, les rencontrer, d’où une société de violence plus que de rencontre.