"Serge Pey et la boîte aux lettres du cimetière" de Francis Fourcou en sa présence le 24 janvier au Lido à 20h30
Article mis en ligne le 5 janvier 2019

par Webmestre

France 2017 Documentaire 1h25 Label Printemps des poètes.
Avec Serge Pey, Prix Apollinaire 2017, Prix de Poésie de la Société des Gens de Lettres 2017...

Le film :

« Caminante no hay camino ! Se hace camino al andar ! » Le poète Antonio Machado, lorsqu’il écrivit ce poème, pouvait-il se douter que son chemin à lui serait celui, tragique, de l’exil ? Fuyant les franquistes, il arrive à Collioure en 1939, malade, épuisé, et c’est dans cette ville catalane qu’il va mourir. Son œuvre et son message, eux, sont restés bien vivants et ont inspiré le poète Serge Pey pour sa marche de la poésie jusqu’à cette tombe où une boîte aux lettres entretient un souffle de vie.
Cette marche, le cinéaste Francis Fourcou l’a suivie avec une complice affection et une caméra discrète, racontant au jour le jour cette marche initiatique d’occident vers l’orient, une aventure où les mots et les vers comptent aussi leurs pieds.

Avis critiques

-dans « La Croix » 18/03/2018
Le miracle est que ce film artisanal, au fumet anachronique, existe et trouve des cinémas pour le projeter. Un documentaire sur les pas d’un troubadour occitan de grand chemin, de Toulouse à Collioure, vers la tombe d’Antonio Machado (1875-1939), mort d’épuisement en fuyant l’Espagne franquiste. Serge Pey longe le canal du Midi, par les allées de halage, sous la frondaison de majestueux platanes, totems des nomades, dans une symphonie de couleurs où le bleu de l’onde se mêle au vert ardent de feuillages qu’ébouriffe le vent d’autan…
Serge Pey écrit ses élégies de combat sur de grands bâtons. Pour lui, le poète est « le facteur de l’invisible ». Sur son sac à dos est accrochée une boîte à lettres où chacun est invité à glisser une missive qui sera déposée dans le cimetière marin. « La poésie, c’est le pain des pauvres. Et quand on marche, on marche comme des pauvres », clame-t-il. Sur ses belles images, Francis Fourcou, le réalisateur, fait voler comme des oiseaux consonnes et voyelles, mots et verbes…

- dans « L’Humanité »
Francis Fourcou a filmé cette escapade onirique au plus près des visages, des regards, des échanges. Un voyage initiatique, une geste poétique d’une beauté à couper le souffle ou la nature, rebelle, épouse les méandres de ce cheminement insensé. Le long du sentier des contrebandiers qui surplombe la mer, Serge Pey avance, touchant au but, drapeaux transparents et républicains flottant au vent. « Chaque livre est une boîte aux lettres » dit-il, et les poètes sont les facteurs de l’invisible.

Francis Fourcou :

Après l’Ecole Nationale Louis Lumière, il réalise son 1er documentaire sur les révoltes viticoles dans le sud de la France. Il a été l’assistant de Peter Watkins, de Jacques Rozier d’Hubert Knapp.
Il a produit et distribué une quarantaine de films (courts, longs, documentaires ou fictions), du cinéma indépendant espagnol dont le 1er film d’Almodovar, du cinéma égyptien dont « Le Sixième jour » de Youssef Chahine, deux films de Peter Watkins « Punishment Park » et « Le voyage », de nombreuses productions d’Humbert Balsan (« Corps et biens », « Histoire du Caporal »…)

Quelques-uns de ses films : « La vallée des montreurs d’ours » (Grand prix du Festival de montagne), « J’aime la vie, je fais du vélo, j’aime le cinéma », « Laurette 1942, une volontaire au camp du Récébédou »…

Ce qu’il dit de son film :

« C’est une histoire que je n’ai pas écrite mais suivie. Le poète Serge Pey est un ami, un frère d’action. Et il m’a proposé de participer à une marche de la poésie, il en fait depuis trente ans, avec ses drapeaux de la poésie. Le drapeau de la poésie, c’est un drapeau transparent, c’est le drapeau où on peut tout écrire, où tout est permis, toutes les transgressions, tous les commentaires, tous les mots. Cette fois-ci, l’objet de sa marche, c’était Machado…
Machado est notre lumière, arrêtée à la frontière. Serge voulait marcher vers la frontière, Collioure, Cot-lliure, la côte libre en catalan, là où s’est arrêté le poète Machado, le Victor Hugo espagnol »

« A la fin du film, nous sommes sur la tombe de Machado, dans le partage, mais aussi dans la confidence. C’est ce que j’ai essayé de faire, être dans la confidence, pour que la voix de Serge soit chuchotée tout au long du film. Ce n’est pas un film savant, ce n’est pas un film compassé, c’est un film qui est dans une certaine joie, une énergie, mais ni aimable, ni gentil. Serge a un mot qui m’a porté beaucoup pendant le montage, il dit « Je ne fais pas de la poésie pour vous faire rêver, je fais de la poésie pour vous réveiller ». Voilà, c’est ça, j’espère que c’est un film qui va réveiller. »

Un poème de Machado

Voyageur, le chemin
Ce sont les traces de tes pas
C’est tout ; voyageur,
Il n’y a pas de chemin,
Le chemin se fait en marchant
Le chemin se fait en marchant
Et quand tu regardes en arrière
Vois le sentier que jamais
Tu ne dois à nouveau fouler
Voyageur ! Il n’y a pas de chemin
Rien que des sillages sur la mer.
Tout passe et tout demeure
Mais notre affaire est de passer
De passer en traçant
Des chemins
Des chemins sur la mer