11 septembre au Lido à 20h30 Avant-première "Libre" de Michel Toesca en sa présence. Particpation au débat : Jean-Eric Malabre, avocat pour la défense des droits des étrangers
Article mis en ligne le 15 août 2018
dernière modification le 16 août 2018

par Webmestre

Documentaire France 1h40 Sortie nationale : 26 septembre

Mention Spéciale du Jury de l’œil d’or Festival de Cannes 2018

Synopsis :

Cédric Herrou, agriculteur dans la vallée de la Roya, voit son quotidien bouleversé par l’arrivée de réfugiés. Avec d’autres habitants ils décident d’accueillir et d’apporter leur aide aux migrants qui frappent à leur porte ou qui traversent la vallée. Le réalisateur Michel Toesca a suivi le périple d’un citoyen qui, malgré les risques judiciaires encourus, s’insurge et résiste pour faire respecter les droits de l’homme, guidé par l’esprit inventif et convivial du « Pantäi Niçois » et le bon sens paysan.

Michel Toesca

Né en 1960 à Nice, Michel Toesca tourne et produit ses films tout en travaillant comme assistant puis réalisateur. Il apprend la prise de son et d’image pour être le plus autonome possible dans sa démarche de cinéaste. En 2008, il vient vivre à Saorge, dans la vallée de la Roya, et continue à produire et tourner de façon de plus en plus indépendante.

« J’ai eu à coeur de filmer Cédric dans ce qu’il a de plus ordinaire et extraordinaire. Je pense que filmer l’ordinaire permet de prendre la mesure de l’acte héroïque, autant d’un point vue cinématographique qu’humain, tout en se gardant de mystifier. […] Sa position politique est simple : il y a un problème là où je vis, je tente de le résoudre en réagissant avec bon sens. Son action, nos actions sont ancrées dans nos vies et dans ce territoire face à une administration qui aborde la question de façon globale et inappropriée. Libre est au cœur d’un combat. L’action de filmer ce combat s’inscrit à mes yeux comme un acte de création et de résistance. » Michel Toesca

Cédric Hérou

est un simple paysan habitant la Roya. Avec d’autres citoyens, il a décidé d’accueillir et d’aider ces migrants, prenant le risque de se mettre hors-la-loi. Il a transformé sa ferme en « camping international » (!) où une cinquantaine de migrants trouvent refuge chaque semaine…ce qui lui a valu, depuis août 2016, 6 perquisitions et 9 gardes à vue. 40 gendarmes mobiles ont occupé sa propriété 24h/24.

Après la projection à Cannes, devant le public qui faisait une ovation, Cédric Herrou s’est assuré un grand succès en faisant cette déclaration : « Notre devise “liberté, égalité, fraternité”, quelle que soit notre provenance, notre religion, notre couleur de peau, c’est important de la défendre tous les jours. Parce qu’elle est là et qu’elle est fragile, et qu’elle a besoin de nous, de vous. Elle a besoin qu’on la fasse vivre, qu’elle danse, qu’elle chante, et qu’elle crie à la liberté. Il y a des fois où elle pleure mais il faut qu’elle vive ».
Libre, conclut-il, est « une caméra embarquée de tout ce qui s’est passé depuis trois ans ». Une sorte de road-movie, grince-t-il : « Ce documentaire est comme un autre guide touristique de la région. Ici, sur la Côte-d’Azur, c’est strass et paillettes, avec tous ces exilés fiscaux sur leurs bateaux. Le film montre le charme de l’arrière-pays niçois… ». Michel Toesca confirme : « On est en train de créer un autre Office du tourisme ! ».

Jean-Eric Malabre

Membre de l’ADDE -Avocats pour la défense des droits des étrangers-, il a suivi et soutenu un certain nombre d’actions, notamment devant le Conseil Constitutionnel, dans la vallée de la Roya et en Limousin. Il était également le précédent Président de l’Anafé qui a suivi de près ces situations.

Informations complémentaires

le 6 juillet dernier, le Conseil Constitutionnel a reconnu à la fraternité sa valeur constitutionnelle, affirmant qu’une aide désintéressée aux migrants ne peut être un délit. Une avancée car nombre de procédures pour délit de solidarité vont être interrompues.

Dans "L’Humanité" du 9 juillet, Cédric Herrou revient sur ce que son avocat, Me Patrice Spinosi, a qualifié d’«  immense victoire  ».

Comment réagissez-vous à cette décision  ?

Cédric Herrou:Je ne m’attendais pas du tout à un tel résultat, c’est inespéré. Nous sommes partis d’une idée un peu naïve, la fraternité, et celle-ci vient d’être consacrée par le Conseil constitutionnel  ! Je réalise à peine ce que cela signifie. D’abord, sans doute le fait qu’aider une autre personne sur le territoire français ne sera plus criminalisable. Cela va peser sur les futures lois et les actions des responsables publics. Agir dans le respect de ce principe est désormais un devoir. Or, quand la France refuse d’accueillir l’Aquarius, elle le contredit. Quand Éric Ciotti tient les discours qu’il tient, il y contrevient aussi. Cette décision rappelle que la fraternité n’est pas qu’une valeur de gauche, mais d’abord une valeur française. C’est capital. Il s’agit aussi d’un grand pas pour la «  réhumanisation  » des personnes migrantes. Cette décision rappelle qu’ils ou elles sont nos «  frères  » et nos «  sœurs  », et non des choses potentiellement toxiques pour ceux qui les aident.

L’«  aide à l’entrée irrégulière  » reste punie. C’est une déception  ?

Cédric Herrou : Non, je peux comprendre cette réserve, même si on n’est pas tous d’accord là-dessus. L’important est d’expliquer pourquoi on fait passer la frontière à des gens. Pourquoi, en 2016, j’ai fait passer une centaine de gamins. Or, cette question-là n’est jamais posée, et l’hypocrisie de ceux qui dressent des barrières est totale. Quand des enfants sont là, à Vintimille, sans prise en charge, à la merci de réseaux de prostitution ou de pédophilie, c’est un devoir de les aider.

Quelles conséquences concrètes peut avoir cette décision du Conseil constitutionnel  ?

Cédric Herrou : À priori, elle va rendre caduques, à terme, les poursuites menées contre les «  délinquants solidaires  ». Personnellement, j’ai été condamné en 2017 au motif que j’aurais retiré un profit «  militant  » de mon action. C’était une façon de tordre la loi, pour criminaliser les citoyens qui s’engagent politiquement. Cela ne sera plus possible désormais. Idem pour les poursuites qui ont touché, dans la vallée de la Roya, quatre retraités, ou le jeune Raphaël Faye, condamné à trois mois de prison avec sursis.

Le gouvernement va aussi devoir amender sa loi…

Cédric Herrou : Bien obligé. La loi asile et immigration, dans sa forme actuelle, n’est pas constitutionnelle. C’est la honte  ! Gérard Collomb a dit «  saluer  » cette décision des sages, mais il me fait penser à un surfeur qui n’hésite pas à changer de vague pour prendre la meilleure. Une habitude, avec ce type de responsables politiques, qui sont là pour gérer des opinions publiques, plus que pour défendre des convictions. Le désaveu, pourtant, est clair, pour le ministre, comme pour les sénateurs, qui avaient durci le texte. En attendant, au moment où je vous parle, j’ai cinquante gendarmes, pas moins, qui sont stationnés autour de ma ferme, pour bloquer des personnes qui désirent effectuer des demandes d’asile en France. C’est dément  ! Quel gâchis  !

Le 10 août, la Cour d’Appel d’Aix a levé, en partie, le contrôle judiciaire subi par Cédric Herrou depuis juillet 2017 mais il reste sous surveillance.