31 mai au Lido à 20h : "Vers un destin insolite sur les flots bleus de l’été" Lina Wertmüller, précédé de "La chanson politique de Colette Magny" Yves-Marie Mahé
Article mis en ligne le 3 mai 2018

par Webmestre

le film de Lina Wertmüller est présenté par Marc Bruimaud

Marc Bruimaud, critique de cinéma et auteur, signera son dernier livre : « Gérard Damiano La peau la Chair Les nuits » à l’issue de la projection.

« La chanson politique de Colette Magny » Yves-Marie Mahé

Documentaire 2017 32 minutes
Années 60 : le monde bouge. Révolution cubaine, Black Panthers, Vietnam…De 68 à 75, les meetings retentissent de la voix de Colette Magny et de ses textes-cris. Elle chante dans les usines en grève, les universités occupées, partout où la révolte gronde. Sans concession, elle est censurée dans la France bien-pensante d’alors.
Artiste hors-norme, elle a bousculé le paysage musical et poétique français tout en portant haut et fort cet esprit de dissidence dont on aimerait qu’il soit plus présent aujourd’hui.

« Un jour Victor Hugo a fait l’amour à Billie Holiday
Et Colette Magny est née
Un jour Léo Ferré a eu les couilles d’être une femme
Et Colette Magny est née…
Un jour la colère d’une secrétaire timide a éclaté au nez de son patron
Et Colette Magny est née…
Un jour un paysan a fait danser la révolution
Et Colette Magny est née…
Un jour le soleil a ri à gorge déployée
Et Colette Magny est née »
Thomas Vinau : "Des étoiles et des chiens - 76 inconsolés"

« Vers un destin insolite sur les flots bleus de l’été » Lina Wertmuller

Italie 1974 Reprise en juin 2017 (copie restaurée) VOSTF
Avec : Giancarlo Giannini, Mariangela Melato…

Présentation Dossier de presse :
Sexe, amour et politique : le film culte de Lina Wertmüller

Réalisé en 1974, « Vers un destin insolite sur les flots bleus de l’été est une satire corrosive qui tourne en dérision les traditionnels thèmes de la lutte des classes et de la guerre des sexes. Cinéaste féministe et engagée, l’Italienne Lina Wertmüller signe ici un film aussi audacieux que subversif, véritable pied de nez à l’Italie patriarcale des années 70. Il s’agit de la troisième collaboration entre la réalisatrice et le duo formé par les comédiens Giancarlo Giannini et Mariangela Melato.

Ils incarnent chacun deux visions complétement opposées d’un même pays : l’Italie du Nord, sous les traits d’une femme bourgeoise, pro-capitaliste et méprisante envers les classes populaires, face à une Italie du Sud représentée par un militant communiste précaire, vouant une haine inconditionnée à la « classe dominante ». Cette confrontation tourne rapidement à l’affrontement-aussi bien physique que verbal entre ces deux entités, auxquels le couple d’acteurs prête admirablement ses traits. « Vers un destin insolite sur les flots bleus de l’été » évolue constamment d’un genre à l’autre : le film se présente au départ comme une comédie centrée autour de deux personnages que tout oppose, évolue ensuite vers le « survival movie » lorsqu’ils échouent sur une île déserte, se tourne vers la romance au moment où Raffaella et Gennarino tombent éperdument amoureux l’un de l’autre, puis se termine en drame. Cette multiplicité des genres permet à la réalisatrice d’aborder différentes thématiques et pistes de réflexion où s’entremêlent problématiques sociopolitiques-lutte des classes, opposition nature/civilisation-et sexualité. Ses dialogues crus et explicites, au doux parfum de scandale, n’ont pour autre but que de souligner l’inégalité-des sexes ou des classes-qui règne au sein d’une même société, même la plus « évoluée ». « Vers un destin insolite sur les flots bleus de l’été » est bel et bien le chef-d’œuvre sulfureux de Lina Wertmüller

Le point de vue de Paméla Pianezza, rédactrice en chef de Tess Magazine :

A coup de films audacieux, voire flamboyants, Lina Wertmüller déboulonne un par un les attributs d’une société qu’elle estime archaïque : l’institution du mariage (Cette fois-ci, parlons des hommes, 1965), la mafia et la corruption (Mimi Metallo blessé dans son honneur1972), l’idéologie fasciste (Film d’amour et d’anarchie, 1973), l’individualisme et le consumérisme qui règnent dans les villes (Chacun à son poste et rien ne va, 1974). « Vers un destin insolite, sur les flots bleus de l’été » (1974), où la lutte des classes se double d’une guerre des sexes, exprime parfaitement la « stratégie Wertmüller » : démanteler les dogmes politiques, économiques et sociaux, par le prisme de la sexualité et sous les atours en apparence délicieux de la tragicomédie.

Rappelons que nous sommes alors dans les années 70.
Le cinéma est encore un art populaire. Bergman, Buñuel, Kurosawa et Tarkovski se portent toujours très bien tandis que gronde de plus en fort le vent de révolte du Nouvel Hollywood (Altman, Coppola, De Palma, Friedkin, Scorsese...). Le cinéma italien en revanche, définitivement émancipé du néoréalisme, entonne le chant du cygne alors que disparaissent plusieurs de ses plus grands auteurs : Pietro Germi mourra en 1974 ; Pasolini, en 1975 ; Visconti, un an plus tard. Restent évidemment le grand Antonioni, désormais d’humeur américaine, l’irrésistible Ettore Scola ou l’inclassable Luigi Comencini et...une femme. Mais quelle femme !
Dans un pays catholique et dans une industrie cinématographique italienne encore très machiste, Lina Wertmüller détonne. Indifférente aux notions de bon goût ou de bienséance, elle cultive joyeusement l’ambivalence et la provocation, ne rechignant pas, si nécessaire, à l’humour le plus potache. C’est précisément cette liberté de ton qui la propulsera « première femme nominée aux Oscars dans la catégorie du meilleur réalisateur », et ce avec son œuvre la plus polémique : Pasqualino(1975), qui voit un don Juan napolitain, enfermé dans un camp de concentration nazi, tenter de séduire son kapo...
« Amour et anarchie » ne sont donc pas seulement les ingrédients de l’un des films les plus célèbres de la réalisatrice. Ils résument tout le programme artistique de cette iconoclaste indocile, auteure d’une vingtaine de longs métrages : chez Lina Wertmüller la passion ne s’exprime jamais aussi intensément que dans le chaos.

Le point de vue de Guillaume Gas, Courte focale :

Ancienne assistante de Federico Fellini sur 8 ½, Lina Wertmüller (de son vrai nom Arcangela Felice Assunta Wertmüller von Elgg Spanol von Braueich… pfffiou !!!) avait fini par s’imposer dans les années 70 comme un nouveau nom de la satire à l’italienne, marquant ainsi cette décennie par une poignée de films comme Mimi métallo blessé dans son honneur, Film d’amour et d’anarchie ou Vers un destin insolite sur les flots bleus de l’été. Sortis entre 1972 et 1974 à raison d’un par année, ces films n’avaient pas pour vocation de viser le record du titre à rallonge. Portés par le même tandem d’acteurs (Mariangela Melato et Giancarlo Giannini), ils creusaient surtout le même sillon : un ton provocateur visant aussi bien les mœurs siciliennes que le régime mussolinien, chaque fois au travers de provinciaux lâchés dans un milieu urbain propice à la pire des désillusions. Du moins en ce qui concerne les deux premiers films. Car le troisième – celui qui nous intéresse aujourd’hui – vise lui aussi la désillusion tout en inversant les règles du jeu : la carte postale idyllique que sert ici de décor se détache radicalement de la civilisation urbaine et, de ce fait, déplace ses représentants (capitalisme et communisme, tous deux en friction) dans un contexte qui les isole à mesure qu’ils évoluent dans un espace à l’horizon infini – l’analogie avec le travail d’Antonioni s’impose d’elle-même...

Plus dérangeante qu’elle n’en a l’air, Lina Wertmüller se fait surtout lucide sur les effets retors de la lutte des classes, ciblant les tares de chacun comme des effets voués à s’échanger ou à s’annuler. Il suffit ici à la réalisatrice de faire évoluer ce clash vers l’abjection pure et simple (une tentative de viol se succède ici aux gifles et aux humiliations) pour que les règles du jeu se brouillent, détachant ces deux protagonistes d’une société qui les a compartimentés et les bloquant de ce fait dans un espace de désinhibition total. La nature devient donc un espace de libération, purificateur autant que prédateur. Les mots n’ont plus de force face au poids écrasant des silences. Les corps n’ont plus d’autre choix que de s’abandonner – l’impact érotique des échanges charnels est ici dévastateur. La violence et la tension sont toujours là, mais l’épiphanie des sens prend constamment le dessus. L’île devient un jardin d’Éden, remarquablement cadré et enrichi par l’objectivité de la mise en scène de Wertmüller. Jusqu’à ce que le retour à la civilisation ne vienne soudain renvoyer chacun à la place qu’une société trop aliénante avait désignée dès le départ pour lui. Ce final déchirant est de ces coups de massue qui ne s’oublient pas, précisément parce que tout ce qui les a précédé avait vocation à perturber nos repères.