Voukoum
de François Perlier
Documentaire France 2011 52mn
Prix du Jury Sacem/Filmer la musique du meilleur documentaire 2012
Un Voukoum, en créole guadeloupéen, c’est un mouvement massif et bruyant, un désordre provoqué sciemment pour provoquer l’éveil politique et artistique des gens de la rue, des vyé nèg (« vieux nègres »). C’est à la fois le tumulte et la révolte. C’est aussi le nom choisi par les membres du mouvement culturel implanté depuis le début des années 80 dans le quartier populaire du « Bas du bourg » à Basse Terre, en Guadeloupe : Mouveman Kiltirel Voukoum. Puisant dans l’histoire de l’île, les traditions et la littérature créole, les membres de Voukoum ne se contentent pas de transmettre un patrimoine culturel. Loin de tout folklore, ils se réapproprient leur histoire et leur identité pour mieux questionner la société guadeloupéenne contemporaine.
Au gré du quotidien, des répétitions et des déboulés frénétiques dans la rue et au travers d’images d’archives des mouvements sociaux de 2009, le film est un voyage, à la fois politique et poétique, au coeur de la culture populaire guadeloupéenne.
François Perlier
Alors qu’il était étudiant en master Créadoc à Angoulême, François Perlier avait pu rencontrer pour un petit reportage le groupe Voukoum qui se produisait au Festival des Musiques métisses. C’était en 2006. Fasciné par le mouvement culturel engagé que ces musiciens représentaient pour la Guadeloupe, le Poitevin a cherché à en savoir plus. « J’ai été touché par la puissance artistique, politique et mystique de ce mouvement. Je voulais porter sa parole, montrer à quel point elle est universelle. »
Filmographie
- 2005 : La Répétition/Alexandria Market, documentaires sonores
- 2006 : Variations métisses, documentaire musical
L’Appel, documentaire
- 2007 : Première brigade, documentaire historique
- 2008 : 6%, 31%, 32%, documentaires (3x5mn)
- 2012 : Les âmes bossales, en cours de production
Afrique 50
Images, texte et montage : René Vautier
France 1950 Documentaire 17mn
. 1950 : L’Afrique Occidentale française est alors sous la domination coloniale depuis près d’un siècle. Le film ose montrer ce qui existe derrière l’image officielle de la colonisation, à savoir l’exploitation éhontée de la main d’œuvre noire qui enrichit les grandes compagnies. Rafles, exécutions sommaires, villages détruits : tout est bon pour opprimer, « en notre nom à nous, gens de France », et empêcher toute velléité de révolte. Pourtant, « peu à peu, le peuple d’Afrique se dresse ». Vautier nous implique dans cette révolte en nous montrant la solidarité qui commence à naître entre les opprimés, qu’ils soient Noirs ou Blancs. C’est sur cet espoir que se termine « Afrique 50 » et nul doute que ce dernier message a dû, autant que la virulente dénonciation du système colonial, en faire frémir plus d’un.
Le film fut censuré en France de 1950 à 1990 et valut à René Vautier 13 inculpations et une condamnation à 1 an de prison.
René Vautier
Né en 1928 à Camaret/mer d’un père ouvrier d’usine et d’une mère institutrice, il mène sa première activité militante au sein de la Résistance en 1943, alors qu’il est âgé de 15 ans, ce qui lui vaudra plusieurs décorations.
Diplômé de l’IDHEC (Institut des hautes études cinématographiques) en 1948, il va, dès lors, se servir de sa caméra pour « donner l’image et le son à ceux que l’ordre veut bâillonner », selon le principe : « Je dis ce que je vois, ce que je sais, ce qui est vrai », ce qui lui vaudra de nombreux problèmes avec la censure.
En 1956, il rejoint l’Algérie clandestinement et s’engage, caméra au poing, auprès du FLN. En 1962, il est nommé Directeur du Centre Audiovisuel d’Alger jusqu’en 1965.
De retour en France, il fonde en 1970 l’UPCB (Unité de Production Cinématographique Bretagne) dans la perspective de « filmer au pays ».
Filmographie
1958 : L’Algérie en flammes
1972 : Avoir 20 ans dans les Aurès
1975 : Quand tu disais Valéry
1978 : Marée noire, colère rouge
1987 : Vous avez dit Français ?
1995 : Hirochirac
A lire : ses Mémoires : « Caméra citoyenne » (Editions Apogée 1998)
Afrique 50 est un film contre la barbarie, le colonialisme et l’exploitation.
Afrique 50 témoigne et accuse. Ses images fragiles, rescapées de la destruction par la police et la censure, ont la force de conviction et la tenue des grands films, uniques et universels.
Afrique 50 fait honte à la plupart des films documentaires tournés en Afrique à la même époque, mensonges avérés, complaisances frauduleuses.
Tourné au péril de sa vie par René Vautier dans des conditions à la fois épiques et tragiques, Afrique 50, qui commence comme un documentaire banal, s’érige très vite en plaidoyer contre les méfaits et les atrocités perpétrés par les colons français et l’armée au nom de la France.
C’est la voix de René Vautier qui résonne sur la bande son. L’acteur pressenti pour dire le texte écrit s’étant, sous la pression rétracté au dernier moment, René Vautier, pris de colère, s’empara du micro dans le studio d’enregistrement et improvisa directement sur les images. On ne sait plus alors si ce sont les images qui tremblent ou la voix qui les fait trembler. En fait, c’est nous qui tremblons quand René Vautier scande les noms des bourreaux et des compagnies coloniales qui exploitent, maltraitent et assassinent le Noir.
Ce film continue à tambouriner dans nos esprits, pour les générations futures.
Christian Lebrat Les cahiers de Paris Expérimental Octobre 2001
Cameroun, autopsie d’une indépendance
de Valérie Osouf et Gaëlle Le Roy
France 2008 Documentaire 52mn
Prix du Public Festival de Pessac 2008
Film présenté par Daniel Um Nyobè, fils de Ruben Um Nyobè
Derrière l’imagerie officielle de l’indépendance du Cameroun, se cache une autre réalité, « une guerre qui n’osera jamais dire son nom » et fit pourtant plusieurs centaines de milliers de victimes.
Gaëlle Le Roy et Valérie Osouf ont réussi à lever le voile sur cette « affaire de nègres », exemple de cette Françafrique qui s’est déployée dans les anciennes colonies françaises. Le film nous présente des documents rares, jamais montrés dans les médias français, dont le corps sans vie de Ruben Um Nyobè, initiateur en 1948 de l’UPC (Union des Populations du Cameroun), premier parti indépendantiste camerounais, et abattu le 13 septembre 1958 par l’armée française avant que son corps ne soit exposé de village en village puis coulé dans une chape de béton. Le 1er janvier 1960, la France donne l’indépendance au Cameroun et impose Ahmadou Ahidjo comme Président de la République, véhiculant l’image d’une décolonisation pacifique alors que c’est une dictature qui s’installe et que la guerre va durer encore 11 ans, avec l’armée française toujours présente sur le terrain. Des villages sont rayés de la carte par des bombardements systématiques, parfois au napalm La chape de plomb recouvrira les victimes de cette guerre oubliée, d’autant que certains documents sont toujours classés « secret défense »
Le choix du Cameroun, par les deux réalisatrices, comme terrain de répression coloniale, a une triple origine : les bribes de mémoire personnelle de Gaëlle Le Roy, l’ampleur de la répression et, surtout, la profondeur du silence qui étouffe ce pan particulièrement tragique de notre histoire.
Daniel Ruben Um Nyobè
Fils de Ruben Um Nyobè, fondateur en 1948 de l’UPC (Union des Populations du Cameroun), premier parti indépendantiste camerounais.
Installé en France où il est ingénieur en informatique, il est né le 25 avril 1957 dans le maquis. Son père a été abattu le 13 septembre 1958. Après son assassinat, sa mère, Marthe, est restée dans le maquis pendant une semaine avant de s’installer dans son village natal, à Libel Ligoï. Le même jour, elle a perdu, non seulement son mari, mais aussi sa mère qui l’avait accompagnée dans son mariage.
Nous étions très pauvres et j’ai dû interrompre mes études en classe de terminale au lycée d’Eséka, parce qu’il fallait subvenir aux besoins de la famille. On a vraiment vécu dans la misère. On n’avait pas de soutien, certaines personnes qu’on croyait proches de mon père nous fuyaient. Cet environnement m’a marqué, j’ai eu très peur à l’époque.
Je suis arrivé en France en 1983, c’était le seul pays où j’avais des proches qui pouvaient m’accueillir. J’ai été hébergé par un cousin à qui je dois toute ma reconnaissance, jusqu’à ce que je puisse voler de mes propres ailes par de petits boulots. Le cursus était long et j’ai finalement opté pour l’informatique...
Quand je suis né, mon père m’a donné le nom de Daniel qui signifie « Dieu est mon seul juge ». J’ai toujours refusé de changer de nom, c’est la seule chose qui me reste de lui...
On peut poursuivre le combat d’Um Nyobè sans pour autant vouloir accéder au pouvoir. Si je peux, par les actes que je pose, aider à l’amélioration des conditions de vie de nos populations, j’estime que cela va dans le sens du combat qu’il a mené. Aujourd’hui, trop de gens veulent le pouvoir pour eux-mêmes. Mon père a abandonné sa carrière de greffier pour entrer au maquis, pour que les générations futures aient le bien-être. Or, ceux qui ont été installés au pouvoir après les indépendances n’ont pas travaillé pour le bien-être du peuple. D’où le retard qu’on accuse aujourd’hui...
Dès le plus jeune âge, je savais qui j’étais et j’en étais fier. Chez nous, on n’a pas toujours conscience de l’ampleur de ce qu’il a été. Il a été un visionnaire, peut-être incompris de son époque. Si vous lisez ses discours, ils restent d’actualité. On a eu la malchance d’être sous influence française. Si on avait été sous influence anglaise, peut-être qu’il n’aurait pas été assassiné...
Propos de Daniel Um Nyobè, recueillis par Stéphanie Dongmo
« Le Jour » 31 octobre 2011
Valérie Osouf
Après un cursus universitaire en Histoire, elle part vivre au Sénégal pendant 5 ans où elle réalise en 1996 Sans commentaire, un documentaire avec des personnes expulsées de France après l’adoption des lois Pasqua et Debré. A Dakar, elle effectue un master de journalisme sur la distribution cinématographique en Afrique de l’ouest. En parallèle, elle travaille dans la presse écrite et la radio et réalise un court métrage sur les sourds démutisés Verbotonal. De retour à Paris, elle développe différents projets liés à l’identité postcoloniale et suit une formation en scénario à la Fémis, avant de co-réaliser Cameroun, autopsie d’une indépendance. Depuis, elle travaille au développement de son premier long métrage de fiction Marie et Djibril , histoire d’un couple mixte.
Gaëlle Le Roy
Titulaire d’une maîtrise d’Histoire, elle a passé une partie de son enfance au Cameroun et a souhaité retracer l’histoire de l’indépendance de ce pays, plutôt méconnue en France. En 2002, elle a réalisé son premier film Quand les lions mangent le coq(52mn) qui interrogeait le rapport à la France à l’occasion du match d’ouverture de la coupe du monde de football opposant les Bleus aux Lions de la Terenga, victorieux à l’issue du match.